lundi 3 mars 2008

SUGI, HIDA & MARI

La région Hida Takayama, au centre du japon est célèbre pour ses grandes fôrets peuplées de sugi, une variété de cêdre japonais. A l’époque Nara, cet arbre était très utilisé dans la construction de temples, maisons, pirogues, on appréciait ses qualités hygroscopiques, sa finesse de grain et son agréable odeur. Tout un artisannat se développa autour de ces fôrets, faisant la fièreté de cette région pendant l’age d’or de l’architecture japonaise.
Après la seconde guerre mondiale, de nombreuses régions dévastées du japon furent reboisées avec le sugi, car cette espèce pousse très facilement et rapidemment. 
Malheureusement, avec l’expansion économique, l’inflation du yen et l’occidentalisation de la construction, les japonnais négligèrent leurs arbres, leur préfèrant des bois importés moins chers et plus durs. La détérioration de la gestion des fôrets, consécutive à cette désaffection, entraina un déséquilibre de l’ecosystème, la disparition de certaines essences et la proliferation d’autres comme le sugi. 
Cette négligence pose actuellement de graves problèmes écologiques comme des glissements de terrain, des avalanches, une destruction des cours d’eau et une augmentation des allergies dû au pollen de sugi...

Cependant de nombreuses sociétés d’exploitation de bois restèrent implantées dans cette région. Une des plus anciennes et célèbres, la compagnie de meuble Hida, fondée en 1920, est spécialisée dans le cintrage du bois, technique developpée par Michael Thonet. A l’origine, cette société travaille essentiellement le hêtre et non le sugi, dont le bois trop mou et rempli de noeud est impropre à la fabrication de meubles.

En décembre 2000, lorsque Sanzo Okada devient directeur de Hida, il constate avec étonnement que 90% du bois utilisé dans la fabrication est importé, alors que le réservoir de fôrets alentours est important. Il décide donc de trouver une solution pour utiliser le sugi surabondant.
Il espère ainsi participer à la sauvegarde de l’environnement tout en utilisant une matière première bon marché, car dévaluée. L’économie fait sur la matière brut permettra de garder des salaires honorables aux artisans, dont l’habileté et le savoir faire sont requise dans la transformation du bois de sugi. 
“C’est facile de comprendre maintenant que l’écologie est aussi importante pour l’homme que pour la fôret.”
enzo Mari.

Pour réussir dans cette entreprise, Sango Osaka se trouve confrontré à deux obstacles: réintegrer le noeud dans la tradition de l’industrie du bois comme plus-value esthétique et non plus comme défaut, et deuxièmement rendre le bois de sugi plus dur.

Convaincu de ce que peut apporter le noeud à l’aspect, par le caractère unique de son “dessin” naturel, il expose en 2001, une premiere série de meuble appelée voice of the forest. Cette série invite à la contemplation et à la méditation, nous rendant présente l’histoire de la vie du bois. Comme les rochers dans un jardin de pierres, les noeuds peuvent endosser une dimension cosmique et l’apporter à l’interieur de la maison. L’exposition remporte un vrai succès et démontre que les mentalités ont changées: les japonais, plus attentifs à l’environnement, sont prêts à adopter le sugi.

Conforté par ce succès, il ne lui reste plus qu’à résoudre le problème de la dureté. Il developpe alors une technique de compression en s’appuyant sur le maîtrise du cintrage de la compagnie et ouvre ainsi tout un champ de nouvelles possibilités d’exploitation du bois de sugi.
Echantillons de bois compressé
de gauche à droite: une planche originale, une planche compressée à 30% utilisable pour la fabrication de meubles, à 50% qualité similaire à celle de l’hêtre, à 70% les qualités du bois sont perdues.

Le bois peut être compressé et cintré en une infinité de formes dans la même opération. On peut aussi par l’utilisation d’un moule, former et compresser le bois, tout en réduisant les coupes et en augmentant les possibilités de design.

“les sociétés ne changeront pas aussi facilement sans l’activité économique” Sango osaka

En 2003, Sanzo Osaka décide de faire appel à Enzo Mari, designer italien de renommée internationale, afin de donner corps à cette technologie dans un ensemble de pièces de mobilier. Leur collaboration débuta à la suite d’une série de lecture faite par Enzo Mari à Takayama et organisé par l’institut Oribe impliqué dans la redynamisation économique de la région. Mr Osaka fut tout de suite séduit par la personalité de Mari, practicien et théoricen du design, sensible et fin connaisseur de l’art et de l’architecture traditionnelle japonaise.

Pour Enzo Mari, cette collaboration correspond à un positionnement éthique qu’il s’est toujours imposé, à savoir priviligier la qualité et la reflexion du projet de design plutôt que des logiques de simple marketing. 
“La forme ne peut pas être le seul facteur qui donne l’élégance à un produit industriel”.
Enzo Mari
Même si le champ d’action du designer est assez limité , il peut malgré tout faire des choix de portée économique et écologique.



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